La fin des allumettes
Hier, je suis allée voir un ami chanter. Nous étions convoqués à 20 h 30 il a commencé à 22 h 15. Je suis partie à 23 h. Pourquoi ?...
Nous sommes en face d’un interprète immense. Les plus beaux textes de la chanson francophone sont diffusés par une voix adaptée, une diction modulée, un doigté de guitare sensible et sûr.
Arrivé très en avance dans le petit cabaret, l’artiste faisait le tour des tables, distribuant accolades et plaisanteries : parents et amis se réjouissaient. Des jeunes aussi. Il commença son spectacle en disant combien il était heureux de se trouver ici… On avait hâte de l’entendre chanter.
Mille chansons ouvrait le bal comme d’habitude. On laissera le bénéfice du doute : il aurait dû s’échauffer avant. Une chanson de Gilles Vigneault, abondamment commentée, fut exécutée par une voix de tête, très différente de la voix naturelle de l’interprète. Un peu de morale au sujet des homosexuels, et c’est Aznavour qui se fait massacrer par des blancs de mémoire sous formes de silences souriants et strophes sautées, après trois reprises.
De la mémoire, mon ami en a tout une : il connaît un nombre incalculable de textes, ainsi que leurs contextes. C’est un être passionnant - lorsqu’il est sobre…
Nous sommes en face d’un artiste vieillissant. Beaucoup vous ont un charme !...D’autres se croient permis de relâchement. C’est, je crois, la différence entre un vrai professionnel et un bourlingueur. Comment peut-on jeter aux orties un don de Dieu ? (je ne crois pas vraiment en Dieu avec toutes les saletés qu’il laisse se produire dans le monde, mais cela fait joli d’appeler cela ainsi : un don de Dieu).
Les ingrédients du succès (nul besoin qu’il soit planétaire) se résument en TTT : talent, travail; ténacité. Quand un artiste cumule plusieurs dizaines d’années de travail, que son talent est intact, qu’il a la chance de pouvoir durer grâce au répertoire qu’il porte, comment se fait-il qu’il se mutile ? J’oublie un quatrième T : Tenue sur scène. Nous avions ce soir-là un public de tous âges, dont une grande partie était acquis d’avance. Deux journalistes dans la salle. Et aussi quelques représentants d’une obédience qui peut beaucoup pour ses membres, ainsi que d’anciens camarades de classe long-time-no-see bien installés dans la vie. Pourquoi un tel gâchis, quand on sait que la suite dépend toujours de quelqu’un dans la salle ?
Quel manque de respect pour des gens –certains très jeunes- qui ont payé 10 $ l’entrée plus une, ou deux ou trois consommations c'est-à-dire une dépense de 100 $ pour un couple ! Et même si cela avait été gratuit, un artiste ne se doit-il pas à son public ?
S’il n’y avait eu que deux jeunes dans la salle qui auraient pu - ce soir-là - découvrir ce que notre culture véhicule de plus beau : Brel, Brassens, Ferret, Duteil, La langue de chez nous. C’est sur cette chanson-là que nous nous étions rencontrés, mon ami chanteur et moi. Hier, je suis partie avant, afin de préserver le souvenir et aussi parce que je déteste voir un ami se dégrader par sa propre volonté. Le suicide en direct, ce n’est pas ma tasse de T et si j’ai envie d’aider quelqu’un, il faut qu’il ait le goût de se relever. Si j’avais un conseil à donner à mon pote, ce serait d’éviter les cabarets, de bannir les soirées, ce n’est plus fait pour lui - la nuit - car il a craqué ses dernières allumettes.
P.S.
Je ne vous donnerai pas le nom de l’artiste - c’est un ami – et pourquoi l’accabler : il n’est pas le seul dans son cas…
Hier, je suis allée voir un ami chanter. Nous étions convoqués à 20 h 30 il a commencé à 22 h 15. Je suis partie à 23 h. Pourquoi ?...
Nous sommes en face d’un interprète immense. Les plus beaux textes de la chanson francophone sont diffusés par une voix adaptée, une diction modulée, un doigté de guitare sensible et sûr.
Arrivé très en avance dans le petit cabaret, l’artiste faisait le tour des tables, distribuant accolades et plaisanteries : parents et amis se réjouissaient. Des jeunes aussi. Il commença son spectacle en disant combien il était heureux de se trouver ici… On avait hâte de l’entendre chanter.
Mille chansons ouvrait le bal comme d’habitude. On laissera le bénéfice du doute : il aurait dû s’échauffer avant. Une chanson de Gilles Vigneault, abondamment commentée, fut exécutée par une voix de tête, très différente de la voix naturelle de l’interprète. Un peu de morale au sujet des homosexuels, et c’est Aznavour qui se fait massacrer par des blancs de mémoire sous formes de silences souriants et strophes sautées, après trois reprises.
De la mémoire, mon ami en a tout une : il connaît un nombre incalculable de textes, ainsi que leurs contextes. C’est un être passionnant - lorsqu’il est sobre…
Nous sommes en face d’un artiste vieillissant. Beaucoup vous ont un charme !...D’autres se croient permis de relâchement. C’est, je crois, la différence entre un vrai professionnel et un bourlingueur. Comment peut-on jeter aux orties un don de Dieu ? (je ne crois pas vraiment en Dieu avec toutes les saletés qu’il laisse se produire dans le monde, mais cela fait joli d’appeler cela ainsi : un don de Dieu).
Les ingrédients du succès (nul besoin qu’il soit planétaire) se résument en TTT : talent, travail; ténacité. Quand un artiste cumule plusieurs dizaines d’années de travail, que son talent est intact, qu’il a la chance de pouvoir durer grâce au répertoire qu’il porte, comment se fait-il qu’il se mutile ? J’oublie un quatrième T : Tenue sur scène. Nous avions ce soir-là un public de tous âges, dont une grande partie était acquis d’avance. Deux journalistes dans la salle. Et aussi quelques représentants d’une obédience qui peut beaucoup pour ses membres, ainsi que d’anciens camarades de classe long-time-no-see bien installés dans la vie. Pourquoi un tel gâchis, quand on sait que la suite dépend toujours de quelqu’un dans la salle ?
Quel manque de respect pour des gens –certains très jeunes- qui ont payé 10 $ l’entrée plus une, ou deux ou trois consommations c'est-à-dire une dépense de 100 $ pour un couple ! Et même si cela avait été gratuit, un artiste ne se doit-il pas à son public ?
S’il n’y avait eu que deux jeunes dans la salle qui auraient pu - ce soir-là - découvrir ce que notre culture véhicule de plus beau : Brel, Brassens, Ferret, Duteil, La langue de chez nous. C’est sur cette chanson-là que nous nous étions rencontrés, mon ami chanteur et moi. Hier, je suis partie avant, afin de préserver le souvenir et aussi parce que je déteste voir un ami se dégrader par sa propre volonté. Le suicide en direct, ce n’est pas ma tasse de T et si j’ai envie d’aider quelqu’un, il faut qu’il ait le goût de se relever. Si j’avais un conseil à donner à mon pote, ce serait d’éviter les cabarets, de bannir les soirées, ce n’est plus fait pour lui - la nuit - car il a craqué ses dernières allumettes.
P.S.
Je ne vous donnerai pas le nom de l’artiste - c’est un ami – et pourquoi l’accabler : il n’est pas le seul dans son cas…
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