lundi 13 décembre 2010

Le pouvoir crachat

Le pouvoir d’achat est un réel pouvoir. Je ne parle pas ici du nombre de millions que certains ont sur leurs comptes en banques à travers le monde, ni de la manière dont ils y sont parvenus, mais je pense aux parvenus qui se croient autorisés à traiter leurs fournisseurs comme « de la marde ».

Il était une fois, il y a très peu de temps et tout près d’ici, dans nos belles Laurentides, une femme-dite-d’affaires et une belle artiste professionnelle comme on les aime : beaucoup de talent, plein d’humour, très peu d’ego.
Nous sommes dans un lieu public. La première déclare à la cantonade vouloir acquérir une des œuvres de la seconde. Le prix de l’œuvre se monte à 650 $. On paiera en espèces, bien sûr, mais on voudra une facture, pour se faire rembourser par sa compagnie. Nous sommes en pleine action Art-Affaires.

Avez-vous compris, vous, pourquoi certains biens peuvent se négocier, et pas d’autres ? Une maison se négocie, une voiture, une œuvre d’art, mais pas le charriot d’épicerie. Du moins pas dans notre culture. J’ai déjà négocié mon pain quotidien au bout du monde, et je vous dis que c’est un jeu de société très amusant; il suffit d’en respecter les règles et l’artisan. Eh oui ! Même au bout du monde, chez les peuples que nous prétendons devoir éduquer, il y a des règles. Règles du jeu et règles de bienséance.

Il était une fois, il y a très peu de temps et tout près d’ici, dans nos belles Laurentides, la négociation fut délicate à souhait :
« 600 piastres, c’est bien assez….POUR UN ARTISTE ! ».

jeudi 11 novembre 2010

Rendre à Jules...


Quand vous voyez en haut à droite vol.5 no.1 c’est que notre toute première parution de TRACES Laurentides est sortie en novembre 2006 à l’intérieur du Journal de Prévost-Piedmont-Sainte-Anne-des-Lacs. Je veux ici rendre hommage à mon ancienne équipe, qui vient de fêter chaleureusement son dixième anniversaire. Quel beau travail (j’en connais le prix, maintenant que je nage toute seule dans une mer de requins) et que de souvenirs ! Rencontres fabuleuses avec des Derouin, Savaria, Beale, Lajeunesse, Turgeon, Ishikawa et j’en passe beaucoup. Ce sont eux qui m’ont donné le goût d’étendre la couverture culturelle à toute la région des Laurentides.

À propos de requins, non je ne suis pas seule, ni en danger. Une bien belle équipe ici aussi se démène pour imprimer nos TRACES et en faire une empreinte durable augmentant sans cesse la qualité visuelle et du contenu. Merci à Claire, Michou, Francine, Jean-Pierre, Gilles, Lauraine, et les autres qui ne m’en voudront pas de ne pas tous les nommer, ni de les mettre en ordre alpha ou autre. Ni d’en faire des brochettes.

Ah! Ces brochettes humaines que l’on voit partout ! De gauche à droite et de la première rangée à la dernière, les vieux et les VIP assis, les autres debout au garde-à vous. Comme notre paysage visuel se trouverait amélioré si la traditionnelle photo de groupe témoignait d’un peu plus de créativité et si l’on braquait la lumière sur l’œuvre, l’entreprise et sa réalisation plutôt que sur l’aveuglant égo. Il ne me viendrait pas à l’idée de choisir une maison en tenant compte du sourire du vendeur sur la pancarte à l’entrée, ni de voter pour un candidat dont la cravate est plus belle que celle de l’autre.

Et que dire de ces spécialistes « pousse-toi-de-là, que je m’y mette » qui viennent se faire tirer le portrait à ton événement comme si c’était eux qui avait eu l’idée, fait la job ou financé la chose.

jeudi 7 octobre 2010

L'étroit couloir du régionalisme


Donc, selon Patrimoine Canada, les nombreux visiteurs de Saint-Sauveur (par exemple) n’auraient pas le droit de découvrir l’œuvre sculpturale de Nicole Taillon (toujours par exemple). Pourquoi ?...
Parce que le petit organisme qui se démène pour présenter ce qui se fait de mieux au Québec, au Canada et même au Japon, recevra un appui financier de l’honorable institution si et seulement si les artistes présentés habitent le village. C’est la façon qu’ont trouvée nos dirigeants pour favoriser l’ouverture des frontières de clochers, l’échange entre artistes, la découverte de nos richesses nationales. Il y a une dichotomie entre la vision du deuxième plus grand pays du monde et le bout de la lorgnette utilisée pour présenter son excellence. Je me suis toujours demandée QUI sont les personnes qui nous concoctent de telles inepties ? - Quelles sont leurs compétences en matière d’échanges culturels ? – Comment sont-elles recrutées ? – Combien sont-elles payées ? – et même : sont-elles heureuses et fières de faire ce qu’elles font ?

C’est la même chose, lorsqu’un projet régional s’entend refuser des subsides car son bureau n’a qu’une seule adresse. Seule l’instance rattachée à cette adresse devrait pourvoir aux besoins régionaux du projet, ce qu’évidemment elle refuse « puisque cela profite aussi aux autres ». Les différents quadrillages géo-administratifs se renvoient la balle, s’observent en chiens défaillants.
J’ai entendu dans le bureau d’un grand patron de notre administration : « Ben, je vais voir ce que les autres font et ensuite, je déciderai… » - Dialogue de gourds.
À l’ère des grandes ouvertures dues à la technologie, à notre époque de découvertes galopantes et passionnantes, je ne comprends pas pourquoi on nourrit encore ces tyrannosaures.

jeudi 9 septembre 2010

L'élégance du hérisson

Faites passer aux jeunes...

« La langue, cette richesse de l’homme, et ses usages, cette élaboration de la communauté sociale, sont des œuvres sacrées. Qu’elles évoluent avec le temps, se transforment, s’oublient et renaissent tandis que, parfois, leur transgression devient la source d’une plus grande fécondité, ne change rien au fait que pour prendre avec elles ce droit du jeu et du changement, il faut au préalable leur avoir déclaré pleine sujétion. »
…/

« Moi, je crois que la grammaire, c’est une voie d’accès à la beauté. »
…/

« On est capable de reconnaître une belle tournure ou un beau style, mais quand on fait de la grammaire, on a accès à une autre dimension de la beauté de la langue. »
Muriel Barbery
L’élégance du hérisson (folio/Gallimard)

Le nombre de citations-coups de cœur que j’ai pu extraire de ce livre ! Et pas seulement linguistiques…Merci à Thérèse Lacasse, délicieuse artiste peintre, de m’avoir encouragée à le lire et merci à ma fille de me l’avoir offert dans un élan d’enthousiasme. Plusieurs générations se passionnent pour ce livre, je n’ai pas vu le film, mais Josiane Balasko doit être époustouflante dans le rôle de Renée, la concierge cultivée.

Une langue forte au service de deux personnages-auteurs, la peinture d’un microcosme prout-prout-ma-chère, des caricatures jouissives, des répliques savoureuses et une grammaire… digne de ma grand’mère !

Allez, une petite dernière avant de nous quitter : « Dans un monde de fossiles, le moindre glissement de caillou sur la pente de la falaise manque déjà de provoquer des crises cardiaques en série – alors quand quelqu’un fait exploser la montagne ! »

lundi 23 août 2010

L’empreinte culturelle…parlons-en !

Il y a celle que l’on efface pour faire du fric rapide : de nouveaux « développements », dit-on. Il y a celle que l’on néglige « par souci des libertés individuelles »– Je pense à ce merveilleux concert de l’OSM à Joliette, dirigé par Kent Nagano, avec Isabelle Faust comme soliste. Comment peut-on se désintéresser à ce point de l’empreinte que l’on va laisser ? L’OSM, quand même !

Le premier violon avait des chaussettes marron, un autre s’était apporté une bouteille d’eau, une troisième, vêtue d’un polaire, jouait avec des mitaines, une chic originale était vêtue de gris, alors que tous étaient en noir et blanc (plusieurs noirs et plusieurs blancs, on s’entend…), le « feu de plancher » de certains pantalons faisait pitié à voir. Quant aux postures…Que voulez-vous, nous sommes aussi des visuels, si l’on va au concert c’est aussi pour regarder, non ?

L’honneur d’être sur scène avec Nagano et Faust, la signature – l’empreinte - que l’OSM se doit de laisser devant un public, averti ou pas, composé de milliers de ces touristes que nous appelons tant de nos vœux, devraient justifier un minimum de discipline vestimentaire et comportementale. Cela se nomme la tenue de scène et fait partie du respect que l’on doit à ceux qui se sont déplacés pour venir vous voir.

lundi 19 juillet 2010

Valeurs et préjugés


Pourquoi, ici au Québec, lorsqu’on parle d’artistes, doit-on ajouter vedette ou de renommée pour éviter toute commisération ?
D’où provient la méfiance sociale face au crédit de l’artiste ? Qu’il veuille acheter une voiture ou une maison, l’artiste est mieux d’avoir un second métier…plus reconnu. Ceci est typique d’une société manquant d’intérêt pour la culture en général et pour les arts en particulier. Typique d’un préjugé dû à l’ignorance et à la paresse. Il est si facile aujourd’hui de combler ses propres lacunes dans le confort de son salon via l’Internet puis de se rendre au musée, au centre d’art, à l’atelier d’artiste le plus proche avec un minimum de bagage pour mieux apprécier et un maximum de curiosité pour découvrir plus.

Ici dans les Laurentides, nous avons le plus beau territoire de tourisme culturel au pays; la vie artistique y est foisonnante, surtout en été.
Il n’est pas un village qui n’offre son festival, qui ne fasse partie d’un circuit de patrimoine ou de métiers d’art. Chaque place traversée retentit de notes festives de grandes vedettes de renommées internationales qui livrent à nos portes leurs meilleures prestations. C’est le moment d’ajouter un petit plus à notre culture générale, via le plaisir. Nos cinq sens – et même le sixième – sont sollicités, laissons-nous envahir !
Tout ce que vous achetez pour la maison ou pour vous habiller est parti d’un dessin, dessein d’artiste. Tâchez de choisir parmi les nôtres ! Vous n’avez pas à les encourager, seulement à les reconnaître à leur juste valeur.

mercredi 23 juin 2010

Courrier/Édito

Courrier...

Bonjour Annie,

Je viens de lire ton édito...
Marrant.
Je partage exactement le même point de vue.
La compétence véritable se fait de plus en plus rare.
Dans toutes les sphères.
Du psy au rénovateur...
Et la prétention se fait de plus en plus grande.
Peux pas supporter.

Merci pour ce coup de gueule.
Fait du bien.

Line Dicaire (artiste)

------------------------------------------
J’ai beaucoup aimé et suis en parfait accord avec votre article « Pourquoi j’ai arrêté de peindre ? ». Article choc de vérité dite sans dentelle ni crémage. Opinion partagée par beaucoup dans le domaine artistique professionnel, mais non dite sur la place publique parce qu’au Québec…. « on est dont fin ! »
Françoise Luttgen (responsable communications)
------------------------------------------
Édito

Je mentirais, si je disais que je n’ai reçu que des compliments quoique celui de Monsieur Yves Laroche, galeriste de Montréal, m’ait beaucoup touchée, ainsi que le message téléphonique d’une professeure de littérature qui me dit « merci d’exister ! » - Pas moi, le journal, bien sûr !

Ces réactions diverses et variées nous donnent le pouls de nos lecteurs. Si le fléau penchait trop dans un sens, nous aurions des décisions à prendre…peut-être. En attendant, il est clair que nous devons affiner encore et encore nos critères de qualité en refusant tout compromis. D’où le choix de notre positionnement :
Traces Magazine (Laurentides) – L’empreinte culturelle.
Quelle empreinte voulons-nous laisser ? – Celle d’un média mou et gentil avec ceux qui se donnent beaucoup de mal pour y arriver et qui ne laisseront aucune trace derrière eux ? Celle d’un vecteur de communication intelligente représentant l’appartenance et la fierté d’un territoire qui ne cesse de grandir ? – Que veut-on présenter au monde et à la postérité ? – Selon les dernières statistiques de Google, TRACES est lu dans 35 pays. Il me semble que ce chiffre comporte quelques responsabilités…

lundi 10 mai 2010

Pourquoi j'ai arrêté de peindre ?

Parce que je ne voulais pas devenir comme eux et elles.
Elles surtout, qui par l’âge déchargées des tâches quotidiennes, se découvrent une passion et se cherchent enfin une reconnaissance. N’étant jamais si bien servies que par elles-mêmes, elles s’inventent des sélections, des invitations, des carrières. Nul n’étant prophète en son pays, c’est bien entendu ailleurs qu’on les applaudit et, auréolées de maints succès, elles reviennent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. A beau mentir qui vient d’ailleurs. La carte visa, elle, pleure tout ce crédit dépensé. L’hiver sera rude et légèrement plus modeste. On viendra alors quémander quelque visibilité. Gratuitement, cela s’entend. Les hommes, eux, s’y prennent autrement, ce sont des hommes d’affaires : « Tu me la fais combien ta front ?... » ou des communautaires : « Par souci d’équité, vous auriez dû passer mon communiqué ! ».
Autodidacte : voilà un mot qui commence très mal un C.V. – On sous-entend que le talent a compensé le travail, les études, les confrontations au milieu dans lequel on prétend entrer. En art, comme ailleurs, vitesse et âpreté, appât du gain gâchent le métier. On propose au public innocent des œuvres d’innocents. Et surtout, surtout : on n’a pas le droit de dire ça !

mardi 13 avril 2010

La loi 100 rien

Ça me coûte cher mais j’achète…
J’achète la liberté de parler et d’écrire, de critiquer, de choisir. J’achète le droit de dénoncer les mauvais usages et l’irresponsabilité de comités dirigés par des politiciens. Nul besoin d’aller aussi loin que les hautes sphères gouvernementales, provinciales, fédérales ou internationales. Tout près de chez nous, ces gens qui nous côtoient, nous embrassent puis nous trahissent, nous évitent puis nous saluent haut et fort lorsqu’ils sont devant nous en public. Il y a longtemps que les miroirs dont ils se servent ont perdu leur tain. Tandis que nous perdons nos illusions, ils perdent leur image.
La loi 100 rien
Quelle que soit l’allégeance d’un responsable politique, d’un éducateur, intellectuel, écrivain ou artiste, il est de son devoir de défendre la culture de base de notre société, issue de la langue française. On s’agite beaucoup en ce moment et tous les regards se tournent vers les gouvernements. Les arcanes du pouvoir sont tellement complexes, la machine étatique ne peut que se mouvoir avec lenteur, lourdeur, erreurs. D’un individu, on dirait que sa main droite ignore ce que fait sa main gauche; on ne parle même pas de son cerveau…
Se donner les moyens de nos belles idées
C’est abandonner les luttes inutiles pour se concentrer sur l’action qui nous paraît juste. Bernard Landry parlait récemment de résilience, de résistance linguistique, de combat humaniste. La mondialisation du globish (20 verbes, 145 mots) n’empêchera pas ceux qui tiennent à la culture de se cultiver. « L’amour en globish est une catastrophe ! » lançait le vieux routier en glissant un bref regard à sa jeune épouse assise au premier rang.
Une langue bien pendue…
C’est à travers la langue que l’on peut mesurer la liberté ou l’aliénation d’un peuple. La langue de chez nous…Nous souffrons de paresse pour la cultiver et de mollesse pour la défendre, la survie démographique n’est pas une garantie, l’immigration n’est pas une solution.

Courrier.lecteurs@tracesmagazine.com

lundi 8 mars 2010

Dernière lecture au coin du feu

Et vous, qu’avez-vous lu, ce mois-ci ?...
Pour la Saint-Valentin, mon amoureux m’a offert le dernier Dany Laferrière. Beaucoup entendu parler. Jamais lu. On ne rattrapera jamais assez le temps perdu. J’ai d’abord tordu le nez, je n’aime pas les romans et la quatrième de couverture ne m’a pas emballée. Mais, comme je suis curieuse et qu’un cadeau mérite attention, j’ai ouvert en me disant qu’au pire il rejoindra les nombreux autres, jamais finis par manque d’intérêt. Des haïkus, pour commencer, je sens que je vais m’ennuyer ferme. Comme quoi les a priori ne demandent qu’à se laisser convaincre du contraire :
- J’ai dévoré ce livre que j’ai pris pour un carnet de voyage, un livre de poésie, un album photos, un recueil de pensées, un essai politique, tout sauf un roman, tout en étant consciente du fil ténu et rouge qui m’emmenait d’un point A à un point B : la trame de l’histoire. Lire ce livre quand tous les médias décrivent inlassablement les malheurs d’Haïti, provoque l’effet 3D tant recherché en ce moment. On s’entend que le livre est paru bien avant la catastrophe.
- Il y a dans cette écriture, la force d’un grand bonhomme sans fioriture, dont la maturité jaillit en sentences sans appel; le genre de bouquin qui pour moi foisonne de citations à retranscrire, tellement vraies, sensibles et intelligentes. Allez, juste une ou deux, pour vous donner l’eau à la bouche (mais soyez assez sage pour les remettre dans leur contexte en lisant le livre) :
« Avez-vous déjà pensé à une ville de plus de deux millions d’habitants dont la moitié crève littéralement de faim ? La chair humaine c’est aussi de la viande. Pendant combien de temps un tabou pourra-t-il tenir face à la nécessité ? »
« C’est quand même étonnant, cette absence de la faim comme thématique qui pourrait intéresser les artistes toujours en quête de sujets…. / Est-ce un sujet trop cru ? Le sexe s’étale sur tous les écrans de la planète…/Parce que cela ne concerne que des gens sans pouvoir d’achat.»

Et la page 128 : son numéro est resté gravé dans ma mémoire. Je l’ai surlignée de bout en bout. Elle déshabille furieusement les organismes humanitaires. Pourquoi pensez-vous qu’ils se disputent la place, lors d’un séisme ? Il y a sans doute en leur sein des âmes pures et charitables, mais combien sont-elles parmi les vautours ? C’est ce que je me disais en entendant les informations.
Comment vais-je vous expliquer, maintenant, que ce livre est un vrai poème, une ode à l’humanité ?...
Dany Laferrière – L’énigme du retour, roman, Boréal 2009, 290 pages

Tous nus et tous bronzés

Évidemment, si je ne voulais pas vivre nue, je ne choisirais pas d’émigrer chez les papous. Aussi, ne nous ont-ils jamais dit « Venez chez nous, dans le plus beau des pays, nous avons liberté d’expression et de religion. »
Liberté d’expression – pas sûr – il y a bien des choses que je ne peux pas dire, sous peine de perdre quelques subventions. Liberté de religion – oui – à condition que la minorité qui la pratique soit d’une visibilité reconnue ou pas trop visible. On ne veut pas de foulard ou de niqab mais on ouvre encore notre porte à des religieuses chrétiennes voilées pratiquant la mendicité. On ne leur dit pas, à celles-là, qu’elles ne sont pas intégrées. On les reconduit poliment à leurs prie-Dieu en leur expliquant que nos aumônes du mois se sont envolées pour Haïti.
Donc, notre liberté commence bien là où s’arrête celle des autres. Dans le monde entier, l’hégémonie de la race blanche (je vous choque ?) a été la plus vaste et la plus cruelle. On ne refera pas l’histoire. Nous nous croyons tellement supérieurs, nous faisons la guerre à tellement de peuples, sous des prétextes tellement fallacieux. À l’intérieur de nos pays –dits civilisés- est-il encore possible de tirer des leçons du passé ? Peut-on considérer que « les autres », ceux dont nous ne connaissons rien et dont nous aurions beaucoup à apprendre, peuvent vivre dans nos immenses contrées sans que nous les laminions ? Au moins, les a-t-on prévenus qu’ils devraient vivre chez nous tout nus ? De quoi avons-nous peur ? Que toutes les petites québécoises se mettent à porter le hijab ? – Aucune chance, ici on montre son string, sa craque et son nombril.

À propos, à Montréal-Verdun un centre d’art a dû annuler une exposition de dessins de nus – très sobres, je vous rassure – sous prétexte qu’il y a une école dans le voisinage ! Cette leçon vaut bien un niqab, sans doute….

mardi 9 février 2010

Compétion de boss à Davos :

Fermeture imminente des remonte-pentes...

Davos, élégantissime station de sports divers, rendez-vous des champions du monde de la haute voltige économique. 22 000 $ pour un strapontin, 230 000 $ pour une loge (et vous, qu’avez-vous offert à votre coureur d’élite ?) – Même à ce prix, les chronos ne sont pas respectés; le programme de cinq jours a dû impérativement être écourté des quelques minutes octroyées à la culture. La romancière Margaret Atwood, invitée à recevoir un prix - évidemment prestigieux puisque remis par ces messieurs - n’a pas pu délivrer son message aux grands de ce monde. Il fallait se presser, les remonte-pentes allaient fermer.

Extrait du discours censuré de Margaret Atwood :

L'art « n'est pas un luxe — il s'agit de quelque chose que les sociétés humaines peuvent choisir d'embrasser ou de négliger. L'art n'est pas seulement ce que nous faisons, c'est ce que nous sommes. Donc, la question n’est pas de savoir si nous en voulons ou non, la question est : quelle sorte d’art voulons-nous. Bon ou mauvais ? Ancien ou nouveau ? Le nôtre ou celui des autres ? Quels que soient les choix, toute théorie humaine qui ferait abstraction de l’art dénierait l’existence même de l’humanité. »
« Quelle est la place des arts dans un forum économique ? Chacun d'entre nous voit le monde d’un point de vue limité, il est donc naturel pour ceux qui touchent à l'économie d'essayer de dégager une économie de l'art. Est-ce un objet de charité ? Est-ce utile ? À quoi cela sert-il ? À quoi cela contribue-t-il ? Nombre de personnes en ont défendu la dignité intangible, pour que cette pauvre créature survive, comme s'il s'agissait d'un chat errant. D'autres - et des politiques parmi eux - ont fait de leur mieux pour l'achever. »

Nouz’ôtres, dans les Laurentides, on a bien d’autres chats à fouetter : « Réussiront-on la réssuscitation de notre planète ? » n’est qu’un exemple des questions publiques soutenues par nos fonds culturels.

mardi 12 janvier 2010

Les fausses sceptiques (1)

(1) Le féminin comporte évidemment le masculin, selon la renversante formule.

Elles feignent de douter de leurs choix de société et, pour soulager leur conscience collective, elles expulsent leur verdict par une grosse commission, pressée de passer dans le moule. Elles collectent la matière de M. et Mme Toulemonde, la brassent et la reversent plus ou moins clairement dans le pot aux roses ou dans le caniveau. Imbues de faux-semblants de démocratie, bardées de règlementeries aux relents démagogues, elles exhalent des valeurs nauséabondes : « Il en faut pour tout-à-les-goûts. » Et de s’abaisser pour ratisser large, et de patauger dans une moyenne basse car paraître trop savant ou trop éduqué serait une tare puante. On ne veut pas choquer son monde en le mettant mal à l’aise; il a tendance à se sous-estimer - le monde - il faut le laisser stagner, c’est plus facile pour régner. Il y en a même qui appellent ça du respect. C’est qu’ils deviendraient ingouvernables - les sujets - s’ils étaient éduqués; ils pourraient se rebiffer, s’apercevoir qu’on les a bernés, escroqués, méprisés. De petites ambitions avec de petites règles bien plates c’est plus confortable pour contenir le tout, non pas dans la noirceur (ha ha on en est sorti !) mais dans une grisaille sans lendemain. On patchwork en culture comme sur les routes : on bouche un trou par icit, un autre par lo. Vue d’ensemble, regroupement de forces et de fonds, vision de développement : rien de tout cela ! Que nous soyons derniers de classe, qui s’en préoccupe ? Sûrement pas celui qui – quoi qu’il fasse - reçoit son salaire tous les mois. À chacun son clocher, son réseau, sa balle de golf…bla-bla-bla…et tous en rang d’oignons, les pieds dans le lisier, le dentier sur la photo.

TRACESMag